Rencontre avec Claudine Colozzi, auteure de l’Encyclo de la Danseuse

Claudine-ColozziClaudine Colozzi, vous êtes journaliste, spécialiste de la danse, vous avez notamment travaillé pour le magazine Les Saisons de la Danse (ndlr : magazine qui n’existe plus) ?

J’ai commencé à écrire sur la danse dans les Saisons de La Danse, j’étais étudiante en école de journalisme et je voulais faire un stage, j’ai cherché les magazines de danse qui existaient, j’ai postulé notamment à Danser et aux Saisons de la Danse, et ce sont les premiers qui m’ont répondu. Je suis donc venue deux semaines en stage chez eux. Ils m’ont envoyée sur un spectacle de danse contemporaine, j’ai fait un article et c’est comme ça que j’ai appris à écrire des critiques, sur le terrain.

Quand je suis sortie d’Ecole de Journalisme, j’ai évidemment contacté ces magazines, mais évidemment ils n’embauchaient pas. J’ai donc  écrit sur d’autres sujets, tout en gardant l’idée d’écrire sur la danse. Je suis devenue pigiste, notamment pigiste régulière pour les Saisons de la Danse, et ça a duré 8 ans, jusqu’ à ce que, malheureusement, les Saisons arrêtent.

Pendant ces 8 ans, j’ai sillonné la banlieue pour voir tous les spectacles possibles, surtout de danse contemporaine ;  car au sein de la rédaction il y avait déjà des journalistes qui s’occupaient de danse classique. Lorsque de jeunes journalistes comme moi arrivaient, le rédacteur les envoyait sur la danse contemporaine.

Moi je n’y connaissais pas grand-chose ! Je connaissais surtout la danse classique, alors j’ai découvert de nombreux chorégraphes, c’est une super expérience.

Alors la danse… j’imagine que c’est une passion de toujours pour vous ?

Depuis toute petite oui, mes parents me racontent que déjà petite, je faisais des spectacles, par exemple à Noël je leur présentais le spectacle que j’avais inventé avec ma sœur, j’enrôlais tout le monde ! Et j’ai commencé à danser à 4-5 ans, avec un peu d’expression corporelle car à cet âge là on ne fait pas encore vraiment de la danse classique, plutôt de l’apprentissage du mouvement.

Après j’ai voulu tester plein de choses : j’ai testé la danse africaine, les claquettes, le flamenco… aujourd’hui je fais de la salsa.

Je ne fais plus de classique actuellement, mais pour écrire le livre, je suis allée assister à des cours et j’ai désormais très envie de reprendre la danse classique !

J’ai envie de m’y remettre… on dit que la danse classique est la base de toutes danses, et je trouve que c’est vrai, pour conserver un maintien corporel, je pense qu’il n’y a pas mieux que la danse classique. Et puis j’ai envie de revenir à cette rigueur, faire une barre…

Où avez-vous fait votre formation en danse classique ?

C’était en conservatoire, à Avignon. J’ai compris vers 11 – 12 ans qu’il ne serait pas possible d’en faire mon métier, j’ai voulu poursuivre pour le plaisir, et en même temps j’avais en tête de devenir journaliste, espérant un jour concilier mon métier et la danse.

Couve-Encyclo-Danseuse

Comment est venue l’idée de ce livre ? Est-ce l’éditeur qui vous a contacté ?

Je n’ai pas été contactée, ce livre appartient à une collection, l’Encyclo des Filles, qui existe depuis 8 ans. L’éditeur a voulu la décliner sur tous les loisirs pratiqués par les jeunes filles, ils ont commencé par l’équitation (L’Encyclo de la Cavalière, un très gros succès), puis la musique. Quand j’ai vu ça en librairie, je me suis dit : « je veux faire la danseuse, il faut que ce soit moi qui leur propose ! »

Par un heureux concours de circonstances, j’ai été présentée à l’éditrice de la collection, je lui ai parlé de la danse, j’ai du être convaincante, puisqu’elle m’a dit qu’on allait le faire ensemble !

C’était il y a 18 mois, il m’a fallu à peu près un an pour écrire le livre, entre le projet, la table des matières, le travail d’enquête… La rédaction a pris 4 mois, et il a ensuite fallu chercher les photos…

Alors justement ce qui m’a frappé dans ce livre, c’est qu’il est extrêmement bien documenté, ça a du représenter un travail énorme pour en arriver là ?

Tout à fait. Dès le départ on s’est dit qu’il fallait beaucoup parler de danse classique, mais dans la table des matières on est aussi parti sur du Tango, des Claquettes, de la Comédie Musicale… on a ratissé très très large, et je me suis dit « c’est de la folie » ! Je connais la danse, mais je ne suis pas une spécialiste du Tango, etc… Il a fallu chaque fois que je m’informe, c’est un très gros travail documentaire.

Dans votre livre, on voit très bien cet effort de parler de toutes formes de danse, puisqu’on va du classique à la tektonik ! Cependant, ça reste en majorité de la danse classique, est-ce que cela reflète une préférence personnelle ?

Non, je pense que c’est un livre ouvert  à tous les styles, mais c’est vrai que la majorité des parcours, de toutes les jeunes filles, commencent par la danse classique. Il y a bien sûr des gens qui ont des parcours différents, qui commencent par le hip-hop  par exemple. Mais quand même, si l’on regarde la structure de l’apprentissage de la danse, dans les conservatoires ou les écoles privées, on voit beaucoup des petites filles avec des chignons qui commencent par ça.

Ca reste la base de la danse et à ce titre, elle est largement traitée, même s’il a fallu faire des choix pour limiter le nombre d’entrées et parler des autres danses.

Ballerine

A propos du choix des entrées justement (le livre en comprend 177), j’imagine qu’il a fallu faire des choix assez drastiques. Notamment sur les danseurs dont vous parlez : j’ai vu Patrick Dupont, Noureev, Makarova, Guillem, mais pas, par exemple, Baryschnikov ! Ou de danseuses comme Svetlana Zakharova…

Oui, ça a été dur mais il a fallu faire des choix.

Vous avez été aidée par l’éditeur pour ces choix ?

Non, l’éditeur me faisait entièrement confiance là-dessus. Forcément, dans un projet comme celui là, on a des préférences… J’ai voulu par exemple que Patrick Dupond soit dans ce livre, parce que c’est quelqu’un qui m’a marquée, pour rendre hommage à l’immense danseur qu’il a été. Il n’est pas uniquement le jury d’une émission de M6 ! Mais c’est sûr, les gens vont dire « pourquoi elle a choisi Patrick Dupond, et pourquoi pas des Etoiles d’aujourd’hui comme Manuel Legris… ». A un moment, on est subjectif !

Donc finalement, on vous retrouve dans ce livre ?

Oui oui, mais par exemple Marie Agnès Gillot est une danseuse que j’adore, je l’ai interviewée avant qu’elle soit Etoile, et j’aurai adoré qu’elle soit dans mon livre. J’ai du faire des choix, sinon le livre aurait fait 1000 pages !

Justement, y a-t-il une deuxième édition du livre en préparation ?

Si ça marche bien ! L’idée est de prendre en compte les courriers, les emails que je reçois des lecteurs. Certaines entrées seront peut-être obsolètes dans deux ans, je pense notamment à la tektonik…

L’encyclo de la danseuse est un livre pour les filles… Qu’en est-il des garçons ? Conseilleriez-vous le livre à un garçon ?

Lorsque des garçons demandent s’ils pouvent l’acheter, la réponse est oui !

Le livre fait partie de la série l’ « Encyclo des Filles », il fallait donc rester dans la collection : le ton est féminin, c’est un livre écrit par une fille et pour les filles ; mais je pense que hormis les pages « pratique », où on explique comment faire un chignon, où on parle des pointes (etc…), la partie « culture générale » s’adresse à tous et de tous les âges. Je crois que quand on aime la danse, qu’on la pratique, cette culture est importante et pas seulement pour les filles.

La danse pour les garçons est quelque chose qui est encore très mal vu. Je lis sur internet des garçons qui aimeraient faire de la danse mais ne peuvent pas en parler, d’autres qui pratiquent la anse en cachette de tous… Qu’est ce qu’on peut dire à ces garçons ?

C’est vrai qu’il y a beaucoup de préjugés sur la danse ; en faire, auprès des copains, c’est difficile à assumer, c’est l’histoire de Billy Eliott au fond. Je pense que c’est une question d’éducation, de faire en sorte que les garçons – comme les filles – soient moins programmés pour certains types d’activités.

Aujourd’hui pour être un garçon dans un cours de danse, il faut avoir beaucoup plus de volonté que les autres. Je suis pour la mixité, mais je me dis que peut-être des cours réservés aux garçons les aideraient à mieux assumer.

Ca pourrait marcher dans une ville comme Paris, mais en Province ca parait plus difficile…

Ce qu’il faut se dire aussi, c’est qu’il n’y a pas d’âge pour commencer à danser. Je vois, dans mes cours de salsa il y a plein d’hommes, il y en a qui adorent danser et qui ont découvert ça à 40, 50 ans. Si on a envie de danser, il faut y aller ! Alors forcément, dans un cours de claquettes on sera peut-être moins le seul garçon, que dans un cours de classique.

Repetto

Cette image des garçons n’est pas améliorée par les chorégraphies qu’on leur propose… Autant certains chorégraphes les mettent en avant, autant ils sont parfois… un peu potiche ! Et ce n’est pas de leur faute.

Et c’est en ça que la danse contemporaine est différente, elle fait de la place aux garçons à égalité avec les filles.

Aujourd’hui l’image des danseurs classiques a quand même évolué, avec Noureev bien sûr, puis des gens comme Baryshnikov, Nicolas Leriche… Elle a évolué dans le milieu des gens qui s’intéressent à la danse, c’est sûr que si on fait un micro-trottoir dans la rue… quand vous parlez « danse » à quelqu’un qui ne s’y connait pas, vous avez la caricature des bras en couronne au dessus de la tête ! Ca reste l’image qu’on a de la danse, alors que ce n’est pas du tout ça en réalité, quand on se rend aux spectacles.

L’un des aspects que j’ai beaucoup apprécié dans l’Encyclo de la Danseuse, c’est que vous faites passer le message qu’il faut s’accepter tel que l’on est, sans se comparer à son Etoile préférée par exemple, car vous dites que ça ne peut qu’apporter de la déception. Dans la danse, on peut vite se retrouver « bouffée » par le perfectionnisme, et en souffrir, or dans le livre vous militez pour le message inverse et je trouve ça très positif.

Tout à fait et ceci n’est pas propre à la danse, le milieu de la presse féminine par exemple est plein de diktats… En ça, la danse contemporaine est géniale : on y voit des gros, des maigres, des grands, des petits, tout le monde peut danser.

J’ai souffert moi-même de ne pas avoir ce corps longiligne de danseuse, le simple fait de mettre des collants rose c’était affreux ! Et je me dis que si moi j’en ai souffert, c’est probablement toujours le cas pour les jeunes danseuses d’aujourd’hui.

Je pense aussi qu’on peut envisager l’enseignement de la danse différemment. Ne pas forcément commencer par le classique, pourquoi ne pas commencer à s’initier à d’autres formes de mouvements, comme la danse africaine. Il y a d’autres voies.


Merci infiniment, Claudine Colozzi, d’avoir accepté de répondre aux questions de Passion Ballet. Amis lecteurs, vous trouverez l’Encyclo de la Danseuse dans toutes les bonnes libraires, au rayon jeunesse. Vous pouvez aussi le commander sur Internet en cliquant ci-dessous Smile

Pour en savoir plus :
La page facebook de l’Encyclo

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